J’ai rencontré Doc…
… rue Albert Einstein à Paris le 5 novembre 2012 à 18h30. Il buvait des shots B-25 dans un drugstore rétro type années 50 avec Jukebox, photos d’Elvis sur les murs, et touristes obèses sur les banquettes roses bonbon. Je l’ai reconnu tout de suite, sa coiffure en pétard, sa blouse blanche, son regard un peu fou, et ses « Nom de Zeus ! » qu’il lançait après avoir vidé chacun de ses verres. Je me suis approché, il pleurait… Je lui ai offert un shot Kamikaze, et, une fois revenu du micro coma provoqué par son verre d’alcool, car le Doc n’a jamais supporté l’alcool, il m’a raconté sa triste histoire…
Il y a quelques mois, abandonné par sa femme Clara, délaissé par ses enfants devenus grands et fâché avec Marty pour une histoire de brevet automobile, Doc s’était retrouvé seul chez lui, en compagnie de son chien Einstein II… Alors, pour ne pas devenir fou, il avait eu une idée géniale : grâce à sa voiture à voyager dans le temps, (ou plutôt son bus, il avait dû s’adapter pour transporter plus de monde…) et bravant les paradoxes temporels, il était allé récupérer le Doc farfelu des années 1980, le Doc tout jeune des années 1950, le Doc marié des années 1885 etc… Et, chaque semaine, il se réunissait avec une dizaine de lui-même, pour boire des shots, vomir, et réfléchir sur le passé, le futur et le présent. Oui mais voilà, on ne joue pas impunément avec le temps et l’alcool. Et vendredi dernier, Doc, totalement ivre, avait déposé ses doubles à travers le temps, les perdant en pleine inquisition espagnole, dans les méandres de la révolution française ou dans la violence d’un champ de bataille de l’Empire Romain. Devait-il parcourir le temps pour les retrouver, retourner au point de départ de chacun de ses doubles pour les empêcher de l’accompagner au drugstore, ou tout simplement les abandonner, prenant le risque que l’un de ses doubles plus jeune ne soit tué dans une époque hostile, faisant disparaître l’ensemble des docs. Il avait déjà tenté de s’empêcher lui-même de raccompagner les docs tout en étant bourré, mais il ne s’écoutait jamais…
Sur le comptoir, entre les verres vides, Kamikaze, B-52, Blowjob, une petite photo de groupe, avec Doc, entre Doc et Doc, entouré d’une dizaine d’autres Doc… Alors je décidai de l’aider. Il fallait agir rapidement. Je lui demandais de me prêter sa vieille Dolorean pour que je puisse me téléporter, vendredi dernier, quelques minutes avant qu’il ne parte récupérer ses doubles pour la fameuse soirée au Drugstore. Sachant le personnage têtu et alcoolique, je décidai d’opter pour une solution extrême et je lui plantai un couteau dans le cœur. Problème réglé. Doc était mort avant d’avoir éparpillés tous les Docs dans l’univers, de toute façon il était vieux, et devenait dangereux pour son passé et pour lui-même en raison de son alcoolisme, c’était la meilleur solution. Grâce à la Dolorean je retournai tranquillement à mon point de départ, devant le drugstore débarrassé du Doc, disparu corps et âme et je...
... le 5 novembre 2012 à 18h29, j’ai rencontré Marty alors que je m’apprêtais à entrer dans un Drugstore rue Albert Einstein à Paris où il m’avait semblé appercevoir Doc. Il m’a saisit par le bras, et, d’un air menaçant, m’a empêché d’entrer en me glissant à l’oreille « Toi, tu te casses, cette fois-ci je m’en charge ». Je n’ai pas compris de quoi il parlait.
Texte : Erwan Darbellay - Illustration : Yannick Darbellay
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