J’ai rencontré James Bond…
Au bar du Stoke Park Country Club, près de Londres. Il buvait une vodka martini, le regard sombre, les yeux revolvers. Je l’ai reconnu tout de suite. Son smoking impeccable, ses cheveux bruns parfaitement coiffés, ses yeux bleus-gris, son physique de sportif et les nombreuses jeunes femmes nues qui dansaient bizarrement autour de lui au rythme d’un tube de Tina Turner. Je me suis approché, il pleurait… je lui ai offert une Heineken, il m’a regardé bizarrement, il a goûté la bière, a souri et m’a raconté sa triste histoire…
Son permis de tuer lui avait été retiré, il avait perdu ses 12 points, il avait beau être au service secret de sa majesté, tuer n’est pas jouer. Trop d’accidents. Une balle perdue qui avait mis un point final à la trop courte vie d’un mignon petit chien, 2 points, et de la petite fille qui le tenait en laisse, 1 point. Une mission un peu trop festive où il avait été surpris à tuer avec 2,5 grammes d’alcool dans le sang, 3 points. Et puis la bévue, la semaine dernière, la sortie de route, le manque de sommeil, la fatigue, les femmes, une cible manquée, il avait pourtant tout tenté, vidé son Walther PPK sur Vladimir Deming, un super méchant chinois d'origine russe qui voulait détruire le monde. Mais Vladimir Deming ne meurt jamais… James devait l’abattre dans un fast-food de Washington, il tira une 1ère fois, abattant le docteur Pepper que tenait Vladimir à la main (James Bond contre Dr. Pepper…), il tira une seconde fois, la balle traversa la cuisse de Blofeld, le responsable nuggets qui trébucha et tenta de se rattraper en plongeant malencontreusement la main dans l’huile bouillante de la friteuse, il tira une 3ème fois, la balle alla se loger discrètement dans un double Whopper, et brisa quelques minutes plus tard 4 dents d’un client affamé par l’émotion qui dû, à la suite de cet incident se faire implanter des dents en acier. Il tira une 4ème fois, une 5ème fois … les gens criaient, le sang coulait, les enfants riaient, les frites volaient, un homme s’effondra en criant « Vivre et laisser mourir », un autre lui répondit « On ne vit que deux fois ! » mais ne se releva pas et un troisième hurla « Geronimo !» et disparu dans une cabine bleue…, 6 points de perdus, un blâme, et l’interdiction de repasser son permis avant 2 ans.
Sur le comptoir, entre les verres vides, vodka Martini, vodka frappé et bière, quelques cartouches. Alors je décidai d’aider l’homme au pistolet dorénavant inutile. La solution était d’une grande simplicité. Ayant une certaine ressemblance physique avec James, même menton, même musculature, je lui proposai de lui prêter mon propre permis de tuer. Tout en lui faisant promettre de se montrer prudent.
Très touché, James, grand amateur de tricot, m’offrit pour me remercier un très beau bonnet en laine d’écosse. Quelques mois plus tard, alors que je skiais tranquillement sur les pentes de l’Oberland Bernois pour profiter du bonnet, James me rattrapa. Sur les conseils de son ami Martin, il avait testé sur ses cheveux une teinture blonde, et depuis il vivait très mal les blagues douteuses de ses amis qui le taquinaient avec : « Mon nom est blonde, James blonde », il avait besoin d’aide… mais ça, c’est une autre histoire !
Texte : Erwan Darbellay - Illustration : Yannick Darbellay
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